À peine la photo de famille du nouveau gouvernement diffusée que les Gabonais se posent déjà la seule question qui vaille : « Et maintenant, qu’est-ce qu’on mange ? » Non pas au sens figuré, mais bien littéralement. Car si la Révolution du 30 août a changé de locataires au Palais du bord de mer, la marmite reste toujours vide dans bien des foyers. Ce mercredi 8 mai, au Palais présidentiel, Brice Clotaire Oligui Nguema présidera son tout premier Conseil des ministres. Et s’il y a bien un sujet qui ne figure pas à l’ordre du jour officiel, mais qui hante toutes les têtes, c’est celui des attentes populaires, lourdes comme des sacs de ciment vendus à prix d’or.
La symbolique est forte : cinq jours après son investiture, le président réunit son équipe. Rapidité, efficacité, rigueur ? Peut-être. Mais les Gabonais, eux, veulent voir venir autre chose que des discours bien huilés. Où sont les routes praticables ? Les écoles réparées ? Les hôpitaux fonctionnels ? Les salaires revalorisés ? Les jeunes embauchés ? Les fonctionnaires régularisés ?
Le pouvoir actuel parle de refondation. Très bien. Mais comment refonder un pays sans fondations ? À Libreville, Owendo, Ntoum ou Port-Gentil, les habitants attendent autre chose qu’un jeu de chaises musicales entre technocrates et politiques recyclés. Ils veulent des décisions concrètes, visibles, tangibles. Pas une énième déclaration sur « l’amélioration des conditions de vie », formule magique qui a perdu tout son crédit à force d’avoir été utilisée comme rideau de fumée.
Le SMIG, ce mirage républicain
Parlons-en, de la vie. À l’heure où la baguette dépasse les 500 francs dans certains quartiers, le SMIG reste scotché à son niveau d’il y a dix ans. Valoriser le SMIG ? Voilà une urgence nationale. Non seulement pour soulager les travailleurs, mais aussi pour envoyer un signal fort à une population qui ne vit plus mais survit. Car comment parler de patriotisme, d’unité et de cohésion sociale quand on peine à nourrir sa famille avec un salaire à peine digne du nom ?
L’école, l’hôpital, la commune et les oubliés
L’éducation nationale est dans un état d’urgence permanent. Des enseignants contractuels oubliés, des salles de classe en ruine, des grèves cycliques. À croire que l’école gabonaise est en pilotage automatique. Et que dire de la santé ? Si le président souhaite imprimer un rythme soutenu, qu’il commence par imprimer les ordonnances introuvables dans les pharmacies publiques. Quant à la décentralisation, tout le monde en parle, mais les communes n’ont ni les moyens, ni les compétences, ni même les poubelles nécessaires pour gérer le quotidien des citoyens.
Chômage des jeunes : le baromètre de l’échec ou du succès
Le chômage des jeunes, lui, reste l’éléphant dans la pièce. Tant qu’un Gabonais sur deux âgé de moins de 30 ans restera sans emploi, la Ve République restera une belle affiche sans programme. Il ne suffit pas de promettre des formations. Il faut créer des opportunités, libérer l’entrepreneuriat, assainir les procédures, financer les idées, encadrer les talents.
Alors, messieurs-dames les ministres…
Ce premier Conseil des ministres ne doit pas être une séance photo suivie d’un cocktail feutré entre initiés. Ce doit être le moment de trancher dans le dur. De faire de vrais choix. De poser des actes. Car si les Gabonais ont accepté cette transition, ce n’est pas pour des sourires ministériels. C’est pour du logement accessible, des routes éclairées, des écoles dignes, des salaires décents, une administration humaine et une jeunesse au travail. Autrement, la seule chose que la Ve République aura changée… c’est le chiffre romain.