Le Journal : Monsieur le Président bonjour ! Dans un de vos récents tweets, certainement après les bruits d’une éventuelle d’évaluation du FCFA, vous avez conseillé aux Chefs d’Etats de la CEMAC de sortir de cette monnaie dite de domination. Pensez-vous que les États africains membres de la CEMAC soient à mesure aujourd’hui de sortir du FCFA ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Bonjour à vous femmes et hommes des médias, je suis heureux que vous vous intéressez un tant soit peu à ma modeste personne, à mes dires et à mes propositions concernant la gestion de notre cité par nos gouvernants, soyez en vivement remerciés. Ceci dit, l’analyse macro-économique étant directement liée aux débats de politique économique, elle est souvent le lieu d’affrontement doctrinaux assez vifs entre les classiques ou néoclassiques comme Adam Smith, D. Ricardo, J.B Say, V. Pareto, A. Marshall, etc. et les monétaristes à l’exemple de Friedman et F.Von Hayek, pour ne citer que ceux-là et qui ont des approches de politiques économiques différentes selon les contextes. Je voudrais nous épargner les détails de ces approches. Pour être précis, je vous dirais par exemple qu’en zone euro, c’est l’euro système composé des banques centrales des pays ayant adopté l’euro et de la BCE (banque centrale européenne) qui a la responsabilité de la politique monétaire. La BCE est une institution indépendante qui, en plus d’émettre la monnaie « euro », a aussi pour rôle de définir les grandes orientations de la politique monétaire et de change de la zone euro et d’assurer la stabilité du système financier comme lors de la crise des dettes publiques en 2012. En d’autres termes, ce sont ces banques centrales et la BCE qui peuvent seules décider d’une dévaluation de la monnaie dans la zone euro. Il faut donc que notre BEAC soit capable des mêmes pouvoirs. C’est pourquoi, sachant que la BEAC dispose des réserves suffisante d’or, nos Chefs d’Etats des 11 pays restants embrigadés dans le FCFA puisque ceux du sahel à savoir : le Mali, le Burkina et le Niger sont en train de s’en débarrasser. Nos Chefs d’États peuvent décider à l’unanimité de sortir de cette monnaie d’asservissement et de domination en créant leur propre monnaie afin d’accéder à l’indépendance économique ainsi qu’à la résilience de celle-ci, il nous faut de l’audace et de la persévérance. Nous devons tout de même savoir que les raisons qui peuvent inciter les autorités monétaires d’un pays ou d’une zone à dévaluer une monnaie sont multiples et diverses. Mais, de manière générale, l’objectif principal d’une telle mesure est d’augmenter la compétitivité et de réduire le déficit commercial, en cherchant à favoriser autant que possible les exportations. Or, nos exportations nous coutent très chers par rapport à la faiblesse du FCFA face aux dollars et l’Euro. Pour être compétitif nos États doivent être disposer de leur monnaie.
Le Journal : Monsieur le Président, la dévaluation du FCFA, qu’est-ce cela impliquerait ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je voudrais me permettre de dire en quelques mots ce qu’est une dévaluation, c’est la diminution du cours officiel d’une monnaie. Elle peut être subie ou décidée pour améliorer la situation économique. La dévaluation monétaire est un instrument de politique monétaire qui consiste à changer la parité entre deux monnaies. Plus précisément, cela revient à modifier le taux de change officiel d’une monnaie, c’est-à-dire sa valeur exprimée en or ou dans une autre monnaie internationale de référence, en l’abaissant. En d’autres termes, il s’agit d’une baisse délibérée de la valeur d’une monnaie par rapport aux autres C’est un instrument de politique économique, elle renchérit les importations et augmente la compétitivité à l’exportation, ce qui tend à améliorer la balance commerciale sans avoir besoin d’améliorer la productivité. Mais à long terme et sans l’appui de politiques en faveur de la compétitivité, ses effets tendront à s’estomper. Cela impliquerait une augmentation du prix des importations. La monnaie nationale ne va plus permettre d’acheter autant de devises étrangères, les importations sont plus onéreuses pour les agents nationaux, ce qui accélère l’inflation. À court terme, la dévaluation a un effet négatif sur la production et le pouvoir d’achat. À plus long terme, ménages et entreprises pourraient s’adapter aux changements de prix en remplaçant, si possible, une partie des importations par des productions nationales, qui deviennent comparativement moins chères. Cet effet n’est que peu opérant pour des produits difficilement substituables, tels que le pétrole ou le gaz. Il y a donc un risque de baisse de bien-être collectif. C’est pourquoi, il est important de savoir que les effets d’une dévaluation sont difficiles à prévoir car elle engendre de multiples effets contradictoires. Ils sont souvent peu pérennes et peuvent retarder d’autres efforts d’amélioration de la compétitivité (investissement, innovation). Les autres pays peuvent répondre par une dévaluation de leur propre monnaie, ce qui annule les effets de la première dévaluation.
Le Journal : Monsieur le Président ! Quels sont les atouts aujourd’hui qui peuvent permettre aux pays africains de mettre de côté le FCFA ? Dans le même ordre d’idée, est-ce que sortir de cette monnaie requiert une sortie définitive ou Progressive ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je crois fortement judicieux pour nous, dans l’intérêt fondamental des peuples des pays de la CEMAC, de prendre conscience du piège qui nous est tendu et de rejeter fermement le « relookage » actuel du franc CFA – avec tutelle française discrète, mais persistante. Je sais aussi qu’il est plus réaliste pour nos pays d’envisager une sortie de la zone CFA que d’espérer « sortir la France du CFA ». L’option la plus pertinente pour chacune des économies concernées est sans doute de se dégager de ce carcan anachronique afin d’appuyer un projet de création de monnaie commune de la CEMAC car la même décision est en train d’être prise par certains pays de l’Afrique de l’Ouest donc de l’UEMOA. Une telle orientation ne constituerait peut-être pas la solution optimale, mais plutôt, assurément, un moindre mal. À condition, évidemment, que les Africains en général et les pays de la CEMAC en particulier ne tombent pas dans le même traquenard que les Européens n’ont pu éviter avec l’euro zone. Si l’on considère que la ligne en la matière n’est dictée que par le Trésor français – et la Banque centrale européenne. La pyramide des soumissions des pays africains concernés par la zone franc cumule aussi celles à l’égard des institutions financières internationales – au premier rang desquelles le FMI – et bien sûr, au-dessus de tout, des actionnaires des puissants oligopoles financiers mondiaux. Nous devons comprendre que les mécanismes de la coopération monétaire avec la France n’ont aucunement permis de faire évoluer les productions nationales et l’insertion internationale de ces économies, toujours très largement spécialisées dans les secteurs primaires de matières premières, qu’il s’agisse de biens agricoles ou de ressources naturelles. La diversification des structures productives de nos pays est très limitée voire insuffisantes, leur extraversion exacerbée, comme je viens de le souligner. Dès lors, je peux dire que les véritables atouts se trouvent ainsi dans la sortie par nos États de cette monnaie qui ne nous permet pas de nous développer et d’atteindre notre progrès et surtout notre bien-être. Nous pouvons le faire de façon progressive ou mieux définitive. D’ailleurs, plusieurs solutions sont envisageables. Elles vont de l’instauration du change flexible sans garantie extérieure (qui autoriserait la fluctuation temporaire de la monnaie) à l’arrimage à un panier de devises comprenant l’euro, le dollar et, pourquoi pas, le yuan. Il revient aux dirigeants africains des deux zones de choisir le meilleur format.
Le Journal : Monsieur le Président ! Le Président de la Transition, Président de la République, Chef de l’État, le Général de Brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA vient de réaliser sa promesse au monde de l’entreprise pour son développement et son épanouissement, la BCEG est née, Que dites–vous en homme de terrain qui depuis longtemps lutte pour un environnement économique dynamique ?
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je voudrais commencer par adresser mes vives félicitations à Son Excellence Monsieur le Président de la Transition, Président de la République, Chef de l’État le Général de Brigade Brice Clotaire OLIGUI NGUEMA d’avoir traduit sa parole en acte en mettant en place cet outil essentiel de financement de l’économie dans notre pays, la BCEG. Il importe de savoir que souvent considérées comme une priorité nationale en raison de leur contribution à la création d’emplois et des richesses, les PME gabonaises connaissaient des difficultés financières chroniques pour cause de réticences des banques commerciales à leur accorder des crédits, à mettre en place un dispositif de financement de la PME et bien entendu, l’étendue de la dette intérieure de l’État vis-à-vis d’elles. Certainement dû au déséquilibre de leur structure de bilan qu’il n’est cependant pas attribuable aux seules spécificités endogènes de ces Entités économiques ; il provient également des problèmes rencontrés par les PME pour établir des relations coopératives avec les banques. Le manque de fonds propres et les risques qui accompagnent un surendettement à court terme ne pourront en effet être résorbés que si les intermédiaires financiers acceptent de réviser leurs critères d’octroi du crédit qui désavantagent actuellement les unités de petites tailles. Il nous faut comprendre qu’au-delà du phénomène de resserrement des conditions de crédit aux PME, le financement bancaire, de par son analyse du risque de crédit privilégiant les emprunteurs les moins risqués, présente également le risque de concentrer les financements sur les secteurs les plus prévisibles, sur les PME relativement bien lancées et présentant une bonne visibilité sur leur santé économique. Or, les gisements d’innovation et de croissance ne se trouvent bien souvent pas dans ces secteurs. Le financement bancaire n’apparaît donc pas toujours adapté aux besoins des PME et ne permet pas de financer le risque. Je voudrais accorder le bénéfice du doute à la BCEG qui certainement va mettre en œuvre des instruments innovants de financement des autoentrepreneurs, des TPE et des PME, le rachat des créances des entreprises de façon générale et celles des PME en particulier détenues par l’État. Il faut aussi savoir que le financement de l’innovation au sein des PME passe encore majoritairement par l’autofinancement et par le renforcement des fonds propres via le capital- risque, structures inexistantes dans notre pays. En effet, les spécificités des jeunes entreprises innovantes (absence de garanties tangibles, risque de défaut élevé) conduisent souvent à un type de financement qui leur est plus adapté : l’apport en fonds propres par les investisseurs en capital par exemple. Observons d’abord le fonctionnement de la BCEG pour mieux pouvoir juger de la possibilité de faire une analyse pertinente.
Le Journal : Monsieur le Président ! Votre mot de fin….
Francis Jean Jacques EVOUNA : Je veux terminer sur les questions de dévaluation en disant que la dévaluation monétaire n’est possible que dans un système de changes fixes. Dans un tel système, la valeur des monnaies est fixée par rapport à un « étalon » de référence, à savoir un métal, une monnaie ou un panier de monnaies, par la banque centrale qui émet cette devise. L’étalon sert alors d’unité de mesure commune à toutes les monnaies. Dans un régime de taux de change flexibles ou flottants, aucun engagement n’est pris au sujet du taux de change, qui évolue librement en fonction de l’offre et de la demande sur le marché des changes, ce qui complique toute dévaluation. Les PME constituent le socle de la croissance et du développement économique dans tous les pays du monde ; elles sont en effet presque les seules organisations à créer de l’emploi et de la richesse. Les autorités actuelles me semblent plutôt favorable à leur développement. Alors que les grandes entreprises ont vu leurs effectifs stagner. Il est important de comprendre que des PME sans financement, c’est un pays sans croissance, c’est pourquoi, la BCEG est la bienvenue pour financer le développement et plus spécialement la PME
Je vous remercie